Torna indietro
Les Échos

Et si les GAFAM contribuaient au développement du réseau internet ?


Accedi all'articolo sul giornale


Les yeux de l’Europe sont braqués sur l’oligopole de cinq corporations américaines qui règnent sur le monde de la technologie et de l’informatique : les GAFAM. Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft. Leurs activités génèrent des profits ahurissants, qu’ils ne réinjectent pas dans l’infrastructure qui leur permet d’exister : le réseau Internet. Un comble ?

Les GAFAM, ensemble, représentent 27,5 % du Standard & Poor 500. Ils sont les protagonistes d’un secteur qui a crû de 19,36 % ces dix dernières années. En tête du classement se trouvent Apple et Microsoft, géants de la tech avec respectivement 2 550 milliards de dollars et 1 960 milliards de dollars de capitalisation, qui ont progressé de 84,5 % et 40,41 % en 2020. Apple est la première action par capitalisation du S&P 500, sur lequel elle représente 6,4 %, suivie immédiatement après par Microsoft, qui représente 5,4 % de l’ensemble du marché. Les plateformes de communication Facebook et Google suivent de près.

Des profits artificiellement bas

Un chiffre d’affaires qui explose d’une année sur l’autre, mais des profits qui restent étrangement très bas… tout comme les impôts payés au Trésor des pays européens dans lesquels ces firmes sont implantées. Exemple avec Google Italie, où la branche italienne du géant du numérique a payé seulement 8,1 millions d’euros d’impôts en 2021. Et ce, sur un bénéfice net avant impôt de seulement 28 millions d’euros sur un chiffre d’affaires qui a pourtant explosé à 710 millions d’euros, contre 505 millions en 2020. Soit une augmentation de revenus de 205 millions en un an, pour des coûts qui ont augmenté de 200 millions sur la même période. De la sorte, la rentabilité est maintenue plus ou moins au niveau de l’année précédente, grâce à des coûts qui augmentent en proportion de l’augmentation des revenus, et sont surtout intra-groupe, via la filiale irlandaise de Google. 

Ainsi, sur les 682 millions de coûts de la filiale italienne en 2021, 516 millions sont des coûts facturés à Google Ireland. Des coûts qui deviennent des revenus pour Google Ireland, qui paie évidemment moins d’impôts qu’en l’Italie. Même procédé pour Google France, qui n’a payé que 27,1 millions d’euros sur les sociétés en 2021, pour un chiffre d’affaires estimé à 2,7 milliards d’euros dans l’Hexagone, selon l’Union des entreprises de conseil et achat média (Udecam). Une “prouesse” rendue possible par un montage fiscal qui lui permet de déclarer en Irelande des revenus générés en France.

Facebook Italie a suivi le même schéma. En 2021, ses revenus ont augmenté de plus de 100 millions pour atteindre 348 millions d’euros, mais les coûts ont également explosé du même montant. Dans ce cas également, il s’avère, à la lecture des états financiers, que les coûts de services de 338 millions l’an dernier correspondent à 311 millions de coûts intra-groupe via la filiale irlandaise.

Un oligopole coûteux

Certains pourraient dire que les GAFAM créent des emplois et investissent dans les nouvelles technologies, ce qui pourrait minimiser le fait que ces géants ne paient presque pas d’impôt sur les sociétés dans les pays à fiscalité forte. Pourtant, bien que ces entreprises aient apporté certains avantages sociaux, en particulier pendant la pandémie, leur domination a un coût. De fait, une part croissante du trafic internet est générée et monétisée par les plateformes Big Tech, mais cela nécessite des investissements et une planification continus et profonds dans le secteur des télécommunications. Ce modèle – qui permet aux citoyens de bénéficier des fruits de la transformation numérique – ne peut être durable que si ces plateformes contribuent également de manière appropriée aux coûts des réseaux.

Depuis des années, le secteur des télécommunications considère les GAFAM comme des “abusifs”, qui exploitent les avantages de leurs réseaux de télécommunications sans payer aucun prix pour leur développement et leur maintenance. Les opérateurs européens investissent un total de 52,5 milliards d’euros par an dans leurs réseaux, le niveau le plus élevé des six dernières années, tout en multipliant les efforts pour rendre leurs réseaux plus verts.

L’Italie, la France et l’Espagne ont réaffirmé très récemment la nécessité de participation des Big Tech aux investissements sur les réseaux en Europe : Rome, Paris et Madrid ont en effet souligné que les principaux fournisseurs de contenu représentent 55 % du trafic Internet généré en Europe. Cela engendre des coûts spécifiques pour les opérateurs télécom européens en termes de capacité, à un moment où ils investissent déjà massivement dans la 5G et le Fiber-To-The-Home. Les trois pays européens ont demandé à l’Union européenne une proposition législative qui garantisse que tous les acteurs du marché contribuent aux coûts de l’infrastructure numérique.

Il s’agit d’une proposition juste et démocratique, même si elle doit être appliquée avec précaution. En effet, certains militants des droits numériques soutiennent que la décision d’impliquer de grandes entreprises technologiques dans les investissements pourrait mettre en danger la neutralité du Net dans le marché européen. Il faudrait donc trouver un équilibre qui protège du danger de la cession des infrastructures numériques du Vieux Continent aux Big Tech. Comme indiqué dans le document conjoint signé par les trois pays, il faudrait pouvoir garantir la loyauté entre les investisseurs dans le respect des règles de neutralité du net, principe fondamental à préserver. Un éventuel investissement annuel de 20 milliards d’euros par Big Tech pourrait contribuer à générer 72 milliards d’euros dans l’économie de l’Union européenne.