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Le Spectacle du Monde

Paris-Rome, la nécessité d’une alliance latine au coeur de l’Europe


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Les intérêts communs de la France et de l’Italie n’ont pas cessé de croître ces derniers temps, et la crise sanitaire n’a fait que réaffirmer cette tendance. Une alliance de fait que les deux pays doivent institutionnaliser au plus vite.

L’année 2020aété profondément marquée par deux événements qui ont changé les équilibres économiques et politiques mondiaux, nous obligeant à modifier notre vision du monde mais aussi à nous préparer à une période d’instabilité et d’incertitude: la crise sanitaire d’une part, le parachèvement du Brexit et la souveraineté industrielle européenne d’autre part. La pandémieduCovid-19agravement atteint notre système social et économique causant des centaines de milliers de morts et créant des millions des nouveaux pauvres, montrant dans le même temps notre fragilité et notre impuissance collective face à de nouvelles menaces. Si la Chine est sortie gagnante grâce à sa machine exportatrice, enparticulier dans le secteur médical (masques, appareils respiratoires), et que les États-Unis – avec les Gafam et leursgrandes entreprises pharmaceutiques – ont enregistré des bénéfices records, l’Union européenne a hélas démontré son incapacité à gérer la crise, tant sur le planmédical qu’économique, provoquant une importante désillusion, notamment en Italie.

Le Brexit a ajouté un degré de complexité supplémentaire pour l’Union européenne qui s’est retrouvée avec un ex-membre, et non plus un allié, à ses portes, ce qui a bouleversé les règles d’échanges et de traitement entre les différents États membres. Si les effets du Brexit vont s’étaler encore sur plusieurs années, il ouvre un nouveau scénario sur le continent européen et va créer de nouvelles opportunités de développement. Signes de rapprochement politique entre l’Italie et la France Depuis son entrée sur la scène politique, Mario Draghi a, à plusieurs reprises, souligné sa volonté de créer de synergies et des points de convergences avec la France d’Emmanuel Macron. Pensons par exemple au recoveryfund, aux idées sur la relance économique, à la prise de position commune sur la proposition de l’union interbancaire qui pénalise fortement nos deux pays ou encore à la gestion de l’épineuse question libyenne.

Les ententes entre la France et l’Italie s’expriment tout d’abord dans la convergence sur les différentes questions économiques. Non seulement les ministres Giancarlo Giorgetti et Bruno LeMaire sont en grande harmonie sur les questions depolitique industrielle, tant dans le cadre bilatéral qu’au sein de l’Union européenne, mais les industriels français et italiens sont également sur la même longueur d’onde. Ils viennent de demander lors du foruméconomique conjoint Confindustria-Medef un effort exceptionnel sur le financement de l’innovation, la simplification bureaucratique et la rapidité dans l’acheminement des fonds européens. La déclaration commune de Confindustria et du Medef souligne que les projets du plan NextGenerationEU doivent être mis en oeuvre sans délai. Elle demande, entre autres, une accentuation réelle sur les réformes structurelles, ainsi qu’une attention à la dimension sociale. Il est en effet essentiel de soutenir l’inclusion et l’employabilité des travailleurs et des demandeurs d’emploi.

Compte tenu de ce contexte général, les deux gouvernements doivent intensifier les campagnes de vaccination, a fin d’oeuvrer à une levée définitive desmesures restrictives entre les deux côtés des Alpes, tout en cherchant une coopération avec les différents pays européens. Sur le plan institutionnel, il y a aussi l’urgence de construire un système sanitaire harmonisé, appuyé sur un système d’informatique en nuage (cloud computing) européen, et de pousser le développement des compétences numériques pour répondre aux besoins du marché du travail et trouver l’équilibre entre les enjeux climatiques et les besoins de productivité des entreprises. L’appel du tissu économique est à prendre au sérieux compte tenu du rôle stratégique des États italien et français en tant qu’actionnaires de certains des principaux groupes industriels comme Enel, EDF, Thales, Fincantieri, EssilorLuxottica, Dassault, Airbus ou encore Naval Group.

Avec la sortie de la chancelière allemande Angela Merkel de la scène nationale et européenne et une Allemagne qui déplace ses intérêts stratégiques entre laChine et les États-Unis, Macron et Draghi semblent avoir enfin compris qu’un nouveau modèle européen, moins germano-centré et plus cohérent avec les valeurs économiques et politiques du vieux continent est maintenant non seulement possible, mais nécessaire. C’est pourquoi, pour les cousins transalpins, la sortie de scène d’Angela Merkel et le Brexit sont une très bonne nouvelle. Une condition pourtant à cela. Il faudra savoir en profiter politiquement en créant les conditions d’une institutionnalisation du rapport bilatéral, par la signature d’un traité du Quirinal du niveau et de l’importance du traité de l’Élysée régissant les rapports franco-allemands depuis une soixantaine d’années. L’objectif étant de reprendre le dessus sur une Union européenne quimontredeplus enplus souvent desmarques inquiétantes dedésorganisation et d’inaptitude à faire face aux différentes préoccupations des pays membres en matière de sécurité, d’emploi et de croissance, créant un ressentiment dans des franges de plus en plus importantes de l’opinion de chacun de ces pays.

Un écosystème économique franco-italien important qui pourrait s’accroître davantage

L’écosystème économique franco-italien est constitué de plus de 4000 entreprises qui représentent plus de 300000 emplois. Les investissements directs croisés atteignent une valeur de 110milliards d’euros et la France et l’Italie représentent à elles seules un tiers du produit national brut européen. Cette masse doit avoir aussi sa traduction politique. Il semble évident d’affirmer qu’aujourd’hui la réflexion devrait aller bien plus loin que la simple coopération économique occasionnelle: il est temps d’envisager la possibilité que deux nations si proches, de tradition ancienne – avec une histoire entremêlée et de vastes influences réciproques – comme l’Italie et laFrance, puissent devenir, aumoins en partie, un système unique sur le plan industriel et financier. Le premier pas devrait être la mise de côté des simples intérêts primaires: si la politique joue énormément sur la prééminence de l’intérêt national vis-à-vis des relations internationales, cette vision est néanmoins déformée.

Le combat est ailleurs: ce à quoi il faudrait travailler, c’est la création de pôles de compétitivité transnationauxdans lesquels les industries des deux pays puissent capitaliser leurs spécificités pour la création d’une filière productive, à l’image des districts industriels italiens. Ce type de synergie économique demande bien évidemment un travail politique assez poussé, avec une intégration à la fois dans le contrôle des entreprises, dans le contrôle des parts de marché mondiales, dans l’exposition au risque d’accident et dans la prospérité de chacune des parties. Cette coopération ne fera que renforcer la force de nos deux nations dans l’intérêt commun. Outre l’aspect économique qui montre de nombreuses complémentarités et atouts, la France et l’Italie partagent également les mêmes “criticités”. Nos deux pays présentent, à quelques exceptions près, les mêmes déséquilibres et problèmes structurels depuis de longues années: faible croissance, perte de compétitivité, dette publique élevée qui mine les investissements, système industriel affaibli par une délocalisation sauvage qui a fini par accroître notre dépendance envers des pays tiers et qui a créé un nombre important de chômeurs. Contre cela, nos deux pays nécessitent des réformes urgentes afin de remettre en marche leur économie.