Torna indietro

Pourquoi les créations d’entreprises cartonnent en France


Accedi all'articolo sul giornale


En France, il faut quatre jours pour créer sa boîte, indique la Banque mondiale, comme aux Etats-Unis, contre 5 jours au Royaume-Uni, 8 en Allemagne, 11 en Italie ou 13 en Espagne. Un délai très court qui n’est peut-être pas étranger à l’évolution positive du nombre de créations d’entreprises dans l’Hexagone.

L’an passé, celles-ci culminent à 815 257, selon l’Insee, dont près de la moitié de micro-entreprises. Un nouveau record, après un cru 2018 — 691 000 — déjà exceptionnel. Autre donnée notable : 19 % des Français pensent créer une entreprise dans les trois prochaines années, d’après le Global Entrepreneurship Monitor 2019. Chez nos voisins, moins d’un adulte sur dix est motivé par un tel projet, l’Italie (9 %), le Royaume-Uni (7 %) et l’Allemagne (6 %) n’offrant pas un environnement aussi attractif.

Réputés téméraires, les Français semblent mieux apprivoiser le risque intrinsèque à tout projet entrepreneurial. Selon le deuxième indice entrepreneurial français, 30 % des adultes ont été placés à un moment de leur vie dans une dynamique d’entreprendre. Beaucoup y voient le moyen de construire leur propre emploi.

En outre, toujours d’après cet indice, « près de la moitié des Français estime que le choix de carrière le plus intéressant est celui de chef d’entreprise, que ce soit en travaillant à son compte (NDLR : en tant qu’indépendant) ou en ayant sa propre société ».

Pour les femmes comme pour les hommes chefs d’entreprise, souligne ce baromètre, être indépendant, s’épanouir et réaliser un rêve sont les motivations les plus fréquentes. Un rêve que le modèle français encourage par des dispositifs incitatifs…

Un environnement propice à la prise de risques

Le système d’assurance chômage, qui garantit au salarié licencié des indemnités pendant deux ans maximum, rassure les débutants : de l’ouvrier qui devient traiteur à son compte à l’ingénieur qui rebondit dans le conseil après trente ans de carrière dans des grands groupes. Mais la dégressivité des allocations, mises en place le 1er novembre dernier, poussera sans doute les chômeurs à chercher un emploi salarié plutôt qu’à créer leur boîte.

Le candidat à l’aventure bénéficie aussi de financements nombreux et accessibles. La banque publique d’investissement (Bpifrance) dope les entreprises innovantes, l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) octroie des prêts d’honneur aux entrepreneurs des territoires défavorisés…

Suffisant pour déclarer la France nation d’entrepreneurs? « Au Royaume-Uni, il est simple de créer une entreprise, mais seulement d’un point de vue administratif. Il n’y a pas autant de facilités de financements ni de structures d’accompagnement publiques », analyse Ben Khenkine, directeur marketing de Legal Start, société parisienne qui aide des entreprises basées Outre-Manche à s’implanter en France.

Des formalités moins coûteuses que chez nos voisins

« En 1993, j’ai choisi de me lancer en France car vous avez d’énormes atouts, masqués par les polémiques politiques. Entre sa conjoncture économique et sa situation géographique, proche de la Belgique, du Luxembourg, de l’Allemagne, le pays attire des investisseurs à long terme », raconte Edoardo Secchi, fondateur de la société de conseil Italy-France Group.

« En Italie, pour créer une société à responsabilité limitée (SARL), les frais de notaire coûtent 2 000 à 3 000 euros. En France, cette dépense initiale est évitée et vous pouvez solliciter un cabinet d’experts-comptables pour toute la paperasse. Entre l’enregistrement et la Chambre de commerce, cela vous revient à 650 euros maximum », calcule-t-il.

En Allemagne aussi le notaire est incontournable. « Dans le meilleur des cas, il faut 48 heures pour prendre contact avec lui et rédiger les statuts d’une GMBH, l’équivalent de notre SARL. Il faut compter entre 2 000 et 5 000 euros de frais », observe Régis Wallet, conseiller de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) France Allemagne. En outre, le capital minimum de 25 000 euros peut en refroidir certains.

D’autres formes, plus allégées en termes statutaires, ne séduisent pas. « Elles n’ont jamais été plébiscitées même si elles coûtent moins cher, à l’image de l’UG, l’équivalent de la SARL simplifiée à 1 euro en France, qui s’adresse à un public de microentrepreneurs », poursuit-il.

Des indemnités chômage faibles poussent aussi à l’entrepreunariat

Outre-Rhin, les 4 millions d’indépendants (aides à domicile, livreurs…) représentent près de 10 % des actifs, soit autant qu’en France. « Ce statut d’indépendant ne nécessite pas d’enregistrement auprès du registre du commerce, souligne Régis Wallet. Il faut juste se signaler auprès de la commune. Par ailleurs, les cotisations ne sont pas obligatoires même s’ils ont intérêt à le faire. »

De l’autre côté des Alpes, un employé licencié a droit au chômage pendant un an, contre deux ans en France. Est-ce un frein à l’entrepreneuriat ? « Au contraire, les indemnités sont tellement faibles pour vivre que les gens sont poussés à monter une microentreprise, très souvent dans la restauration et les services à la personne », analyse Edoardo Secchi.

« Au Royaume-Uni, les indemnités chômage sont extrêmement basses, ne permettent pas de vivre de façon durable, donc si vous avez le goût d’entreprendre, vous vous lancez », renchérit Ben Khenkine.

En Allemagne, la pénurie de main-d’œuvre pousse au salariat

En Allemagne, les indemnités plafonnées à 2 500 euros sont versées pendant 12 mois maximum pour les moins de 50 ans, jusqu’à 24 mois pour les plus de 58 ans. « Le marché du travail incite à devenir salarié, pas micro-entrepreneur, explique Régis Wallet. Avec un taux de chômage de 3 % et une pénurie de main-d’œuvre, les pouvoirs publics mettent les moyens dans la formation pour que les entreprises trouvent des salariés, de plus en plus tôt. » Surtout pour son industrie manufacturière, qui pèse plus de 20 % du PIB, contre 10 % en France.

On comprend alors que l’incitation des chômeurs à entreprendre y soit moins forte que chez nous, avec Pôle emploi. Depuis 2015, l’organisme met les bouchées doubles pour accompagner des salariés licenciés en quête d’une nouvelle vie professionnelle… En témoigne la mise en avant de son Aide aux créateurs ou repreneurs d’entreprise (Acre), avec exonérations de cotisations.

Résultat, le nombre de demandeurs d’emploi reconvertis micro ou entrepreneurs tout court ne cesse d’augmenter. Ils étaient 194 000 sur les onze premiers mois de 2019, principalement dans le commerce, la construction, l’hébergement et la restauration.

La culture du risque des Italiens

Chouchoutés, les Français ? « Ils ont besoin d’être rassurés avant de se lancer, note Edoardo Secchi. En Italie, la culture du risque est plus développée. Par exemple, l’approche de celui qui veut grimper dans l’échelle sociale, c’est : je n’aurai rien de l’Etat, donc je me lance et si ça marche, je changerai de vie. »

Et en Allemagne ? « Les entreprises, essentiellement familiales, sont gérées en bon père de famille. Les choix sont plus raisonnés, avec une vision à long terme. La culture germanique, c’est la prudence, l’anticipation du risque », assure Régis Wallet.

« Au Royaume-Uni, il n’y a pas d’aides publiques, de prêts d’honneur, donc les gens qui se lancent sont plus téméraires. Peu importe l’environnement fiscal », confirme Ben Khenkine, avant de vanter « les facilités de crédit de Bpifrance, unique en son genre ».

« Les banques britanniques pratiquent très peu les taux fixes et demandent au porteur de projet un énorme apport de 15 % du capital emprunté », détaille-t-il. Cela a conduit une entrepreneuse française en Angleterre — qui préfère rester anonyme — à financer les travaux de sa crèche « pour 50 enfants » en contractant, en France, un prêt à la consommation, « théoriquement peu intéressant pour les entreprises ».




Lascia un commento